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Presse : Sur la table des étoilés

Article du Républicain Lorrain du 15 Mars 2019 par Laurence SCHMITT

Christophe Noël se souvient de son entrée chez Pierre Gagnaire, chef étoilé, à Paris. « J’étais avec ma valise réfrigérée. Lui, m’attendait et me lance : tu as sept minutes pour me convaincre ! » Le soir, c’est l’éleveur qui a insisté pour prendre son train sans s’attarder à la table du célèbre chef. « Les chefs, raconte Christophe Noël, lorsqu’ils goûtent votre viande, ils veulent du paleron. Si le paleron est bon. Tout est bon. » Visiblement, le paleron était bon et l’éleveur qui navigue entre sa ferme à Mars-la-Tour (54) et son élevage tout à côté à Vionville (57) continue à lui livrer régulièrement sa viande, ainsi qu’à d’autres tables étoilées de Paris et de Moselle, comme La Citadelle, à Metz.

Leur truc, à Christophe et son épouse Angélique, c’est l’esprit ferme paysanne avec des produits haut de gamme. « Avant de faire de l’argent, il faut faire de la qualité. Ça fait longtemps que je me bats contre la FNSEA, qui prône les fermes-usines. Grossir à tout prix, c’est une fuite en avant qui nécessite sans cesse d’investir. Après, on atteint des seuils d’endettement morbide, on est acculé et au moindre grain de sable, c’est la catastrophe. » La famille Noël, elle, veut continuer à travailler avec la nature. Pour autant, elle n’a pas un petit élevage. Deux cents bêtes, quatre taureaux qui tournent toute l’année d’une stalle à l’autre pour une reproduction naturelle, ça n’est pas rien. Une seconde étable, « en bois pour une meilleure circulation de l’air », devrait même se construire. 80 % des bêtes partent en vente directe chez les restaurateurs et particuliers.

L’élevage aimerait également viser les professionnels de la boucherie fine haut de gamme. Mais la façon de faire sera toujours la même. Des bêtes nourries l’hiver d’un mélange d’orge, de lin, de luzerne et petits pois cultivés sur place, du fourrage à foison même en cet été de sécheresse et, dès le printemps, le pâturage. « Il ne faut pas nourrir les bêtes de maïs, ça fait de la mauvaise graisse. » De même, Christophe favorise les femelles, « parce qu’elles font du muscle, pas du gras. Les jeunes bovins mâles sont tout le temps à la mangeoire et deviennent comme boby-buildés. Quand on la cuisine, la viande fait de l’eau et rétrécit. » Les génisses sont emmenées jusqu’à 36 mois, « comme dans le temps, car c’est l’arrivée à maturité. Économiquement parlant, c’est nul. Mais la viande est de super-qualité. »

Bien sûr, il y a la phase si contestée, et pas facile, de l’abattoir, avec une volonté de limiter le stress au moment du transport vers Verdun. « L’animal est amené à l’unité, sur rendez-vous. Il connaît le camion, le chauffeur, l’odeur. Ça ne nous empêche pas de recevoir des courriers anonymes, de nous faire insulter. »

« C’est mon métier de faire naître, d’élever l’animal dans le respect et le bien-être, qu’il vive sa vie d’animal normalement. On est là, sans cesse à veiller, à observer. » Chaque nuit, puisque l’élevage fonctionne toute l’année, Christophe se lève pour surveiller les vêlages. « Je reste à la manœuvre sur toute la chaîne. Tout ce que je vends doit être né chez moi, c’est la règle de nos différents labels. Ma liberté me coûte cher, mais je vis ma vie. Je ne la subis pas. C’est mon luxe. »

« Tout ce que je vends doit être né chez moi. Ma liberté me coûte cher, mais je vis ma vie. Je ne la subis pas. C’est mon luxe. »